Chaque Parisien connait LA rue originale de son quartier. Dans le Sentier, c'est la rue des Degrés. Dans le quartier Montparnasse, c'est la rue du Cherche-Midi. Dans le quartier de la Place des Fêtes, c'est la Mouzaïa...
Mais il est une rue un peu cachée qui mériterait d'être connue de tous les Parisiens et bien au-delà car elle est à elle seule un véritable arc-en-ciel.
La rue Crémieux, à deux pas de la Gare de Lyon, porte le nom d'un homme politique du 19e siècle, grand-oncle de Marcel Proust, qui a longtemps été ministre de la justice et qui est surtout connu pour avoir donné la nationalité française aux juifs d'Algérie (alors colonisée par la France).
Mais Crémieux n'a pas grand chose à voir avec cette rue. Au départ, elle était connue sous le nom de rue Millaud, d'après le magnat de la presse qui a ouvert cette rue, précisément. Il ne se doutait certainement pas, à l'époque, qu'il perçait la rue la plus insolite de Paris. C'est qu'en ce temps là, cette rue n'avait rien d'extraordinaire.
Mais en 1865, les travaux haussmanniens sont en cours. Pour l'unité architecturale de Paris, un règlement d'urbanisme assez stricte est mis en place, c'est la raison pour laquelle les immeubles dits "haussmanniens" sont si fréquents et si reconnaissables à Paris. Mais en 1865, Haussmann ne s'est pas encore penché sur le 12e arrondissement. Aussi, quand Millaud se lance au mépris des règles, personne n'y prête attention.
En 1910, la rue prend totalement l'eau pendant la crue centenale, mais son charme est préservé. 80 ans plus tard, les habitants se sont mis d'accord pour peindre les façades de chaque maison d'une couleur différente. La rue fait l'objet d'un regain d'intérêt. Les riverains d'abord, puis les habitants des alentours et même les commerçants des abords de la gare aiment cette rue et demandent à la Mairie de la mettre en valeur. C'est chose faite en 1993 : la rue devient piétonne et la chaussée de bitume est remplacée par un élégant pavage à l'ancienne.
En s'y promenant aujourd'hui, on y voit des chats, des plantes grimpantes, des apéros entre voisins le soir tombé et on tombe irrémédiablement sous le charme des 35 couleurs de cette rue.
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